Mzuzu est la troisième plus grande ville du Malawi. Avant 2013, le montant de taxe foncière collecté était très faible : 50 million MWK ($68,000 USD) en moyenne. Cependant, avec la mise en place du système de taxe foncière ReMoP, les recettes ont été multipliées par 7 pour atteindre plus de 350 millions en 2018, ce qui a permis à la ville d’améliorer significativement les services tels que le ramassage des déchets, l’éclairage public ou encore le terrassement routier.
Le contexte
Avant 2013, les recettes de la taxe foncière étaient basses pour plusieurs raisons. Tout d’abord, une infime partie des propriétés étaient répertoriées sur le cadastre étant donné qu’il n’avait été mis à jour qu’une fois au cours des 20 dernières années, en grande partie à cause des frais d’évaluation élevés. Les études étaient également irrégulières et incohérentes à cause des conflits entre les propriétaires et les professionnels chargés de l’évaluation des biens. Des systèmes d’adressage physique défaillants entravaient la livraison des factures et le suivi des contrevenants, pendant que l’exemption de facto des propriétés établies dans des zones d’habitations informelles, représentant 60% de la base imposable de la ville, limitait les collectes. L’évaluation foncière était chère et laborieuse, tout particulièrement du fait du manque de données comparables sur les revenus dans des zones où les registres des recettes ne sont pas accessibles ou maintenus. Les procédures de délivrance de factures et d’avis d’imposition n’était pas fiables et les mécanismes de mise en œuvre très limités, avec très peu de poursuite des fraudeurs. Enfin, il y avait un manque de sensibilisation sur le but et l’utilisation de l’impôt foncier, et une confiance réduite en la capacité de la ville à fournir des services publics avec ces fonds.
La réforme avec REMOP
Pour faire face à ces problématiques, il a fallu considérer une transformation complète. Mzuzu a choisi de mettre en œuvre le Programme de Mobilisation des Revenus (ReMoP), dans un premier temps sur la base d’un projet pilote. ReMoP comporte plusieurs phases : état des lieux, évaluation, taxation, sensibilisation, recouvrement et mise en conformité.
L’état des lieux a permis l’enregistrement de nouvelles propriétés, quadruplant le nombre de propriétés au cadastre en le faisant passer de 10 000 à 40 000. Le nouveau système d’adressage physique était aussi plus robuste, améliorant la délivrance des facturations et des mises en demeure.
La phase d’évaluation comportait la mise en place d’une évaluation à points basée sur la localisation (ajout de points en cas d’éléments positifs tels que l’accès à une voie pavée et retrait de points en cas d’éléments négatifs tels que l’absence d’électricité). Ce système est moins régressif qu’un système exclusivement basé sur la localisation, mais beaucoup plus simple à gérer que le système, basé sur le marché immobilier, précédemment utilisé à Mzuzu. La municipalité a pu ainsi évaluer beaucoup de propriétés, notamment celles des zones d’habitats informels où il les données immobilières ne sont pas disponibles. L’estimation est aussi devenue plus efficace grâce à l’introduction d’évaluations de masse assistées par ordinateur, considérées par les agents municipaux comme étant à la fois économiquement viable et simple d’utilisation.
La taxation est devenue plus rentable avec l’introduction de nouveaux programmes informatiques permettant une mise à jour automatique des impayés et l’impression de plusieurs factures grâce à une simple touche. De plus, les nouveaux avis d’imposition présentaient tous les détails influençant la valeur de la propriété, rendant ainsi l’évaluation transparente. En outre, la procédure a été simplifiée par la taxation devenue annuelle et non plus trimestrielle.
La phase de sensibilisation a comporté une campagne appelée « Ma ville, ma responsabilité », qui avait pour but d’informer les résidents de Mzuzu sur le nouveau système (notamment les bases de l’imposition, leurs droits et devoirs) et sur les liens entre l’impôt et les améliorations qu’ils pourront constater au niveau des services publics. Cette campagne comportait une émission de radio hebdomadaire et des annonces à la radio, des affiches et bannières, des articles de presse et des suivis lors de réunions de quartier. Une réunion d’information spécifique a par ailleurs été organisée avec les chefs d’entreprises du quartier, qui portent l’essentiel de la charge fiscale. Chacune de ces démarches avait pour but de persuader les citoyens de l’intérêt de payer, la majorité croyant jusqu’alors que l’essentiel des infrastructures et services locaux provenaient de fonds versés par le gouvernement central à la municipalité.
Enfin, la procédure de recouvrement fiscal a été restructurée afin de mettre fin à la collecte en porte à porte et mettre en place les paiements bancaires, réduisant ainsi les cas de vols et augmentant la confiance des contribuables en le système. Parallèlement, Mzuzu a encouragé une banque à ouvrir une agence au sein du centre civique, simplifiant ainsi les paiements à la municipalité et permettant aux transactions d’être directement enregistrées auprès de l’administration municipale.
Pour ce qui est de la mise en conformité, l’établissement de mises en demeure a été faite via des courriers rédigés par un avocat et délivrés par la municipalité. Cette méthode a eu des résultats positifs, les contrevenants préférant payer que de subir l’embarras d’une audience au tribunal.
Les défis
Bien que la réforme ait eu des résultats très positifs, ils restaient deux problèmes de régulation et de législation. Tout d’abord, la méthode d’évaluation basée sur les points n’est pas couverte sous la section 68 de la loi sur les Gouvernements locaux (1998), qui détermine l’évaluation immobilière. Deuxièmement, la section 67 de la loi requiert que les agents d’évaluation soient enregistrés au Conseil de l’Institut des Arpenteurs-géomètres du Malawi, mais étant donné la nouvelle méthode utilisée dans ce projet, il était nécessaire d’utiliser un arpenteur non inscrit au registre.
Pour prendre ces problématiques en compte, des taux issus de la méthode basée sur le marché immobilier ont été comparés aux taux obtenus à partir de la méthode par points : 50 propriétés de différentes catégories ont été évaluées, et les résultats ont prouvé que les taux via la méthode à points étaient très proches de ceux obtenus via la méthode basée sur le marché et qu’ils étaient progressifs. Deuxièmement, en accord avec le Ministère de l’Aménagement du Territoire, un arpenteur-géomètre officiel familier du marché immobilier local a été embauché. Bien qu’il reconnaisse que la méthode par points produit des données acceptables, il refusa par la suite de certifier les propriétés restant à enregistrer. De ce fait, la mairie est dans une position délicate où elle utilise un registre productif mais cependant non-certifié.
Un modèle pour les villes africaines ?
Le succès de Mzuzu prouve que le modèle global ReMoP est bien adapté au contexte des pays en développement. Quand les données sur des marchés comparables ne sont pas disponibles, la méthode basée sur les points représente une manière plus simple d’évaluer les propriétés tout en obtenant tout de même des taux progressifs, tandis que les évaluations de masse assistées par ordinateur diminuent le coût administratif. La transparence de la procédure, alliée à la mobilisation collective, permet de souligner le contrat social entre les citoyens et la municipalité. Avec suffisamment de volonté politique pour contrer la résistance, l’augmentation des recettes de la taxe foncière peut permettre aux municipalités de réaliser des améliorations significatives dans les services publics fournis. Au Malawi, d’autres municipalités prennent maintenant contact avec Mzuzu considéré comme Centre d’Excellence – peut-être que d’autres villes d’Afrique pourraient également bénéficier de son expérience.
Voir le guide pratique sur la mise en œuvre de la réforme de la taxe foncière via la méthode d’évaluation par points ici ou plus d’information sur l’Initiative pour la Taxe Foncière en Afrique.