La neuvième session de la Conférence des parties à la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (ou COP 9) s’est achevée le 13 novembre. Au cours des discussions, 161 pays, des agences des Nations unies, d’autres organisations intergouvernementales et des groupes de la société civile ont examiné des stratégies visant à mettre en œuvre plus efficacement les mesures de lutte contre le tabagisme, notamment la taxation, et à mettre fin à l’ingérence de l’industrie dans les efforts déployés pour mettre fin à l’épidémie de tabagisme, qui met à mal les efforts de relance post Covid-19 et cause plus de 8 millions de décès dans le monde chaque année.

À l’approche de la COP 9, l’équipe de Tobacconomics a publié la deuxième édition du tableau de pointage des taxes sur les cigarettes. Se basant sur les nouvelles données issues du Rapport de l’OMS sur l’épidémie mondiale de tabagisme, 2021, le tableau évalue les politiques de taxation des cigarettes des pays par rapport aux meilleures pratiques largement acceptées en la matière.

Le tableau présente quatre éléments clés qui permettraient aux pays africains d’améliorer leurs politiques de taxation des cigarettes. Il s’agit notamment du prix de la cigarette, l’évolution de l’accessibilité financière, la structure de la taxe et la part de la taxe dans le prix de détail.

De faibles scores qui laissent entrevoir des signes de progrès

La région africaine se classe toujours au dernier rang du tableau de pointage, avec une moyenne de 1,64 sur 5,00 points. Et pourtant, l’on note des signes de progrès.

evolution score global 2014-2020

Le Liberia a enregistré la plus forte hausse de son score global (de 0,5 à 3,125), tandis que le Mozambique a connu la plus forte augmentation de son score de structure fiscale, due au passage d’une structure de droits d’accises à plusieurs niveaux à une taxe d’accises spécifique uniforme sur les cigarettes, ajusté automatiquement en fonction de l’inflation, ce qui constitue une meilleure pratique. Parmi les pays africains, qui mettent également en œuvre cette structure fiscale de meilleure pratique, figurent le Botswana, l’Eswatini, le Lesotho, le Mozambique, la Namibie et l’Afrique du Sud.

Les scores de la structure fiscale du Tchad et du Liberia se sont également améliorés de manière significative grâce au passage d’un système uniforme ad valorem à un système mixte avec une part plus importante de taxe spécifique. Ces améliorations ont permis à la région africaine de connaître le gain moyen le plus élevé en matière de structure fiscale, ce qui représente l’un des gains les plus élevés du score global parmi les régions de l’OMS.

La politique fiscale du Botswana sur les cigarettes est très performante au niveau mondial, avec une structure fiscale spécifique uniforme qui est automatiquement mise à jour en fonction de l’inflation, une réduction significative de l’accessibilité des cigarettes de près de 8 % par an au cours des six dernières années, et un prix de la marque de cigarettes la plus vendue à plus de 10,00 $Intl PPA. Le Botswana et les Seychelles occupent tous deux le 5e rang mondial, avec un score global de 4,13.

Les cigarettes restent bon marché et faciles à trouver

La région africaine, cependant, présente également plusieurs signaux d’alarme, avec des prix moyens de cigarettes ($Intl PPA) de 4,10 $ dans les pays africains, soit les plus bas du monde.

De 2018 à 2020, le prix moyen des cigarettes dans les pays à faible revenu – dont beaucoup se trouvent en Afrique – a en fait diminué de 0,28 $Intl PPA, et les prix des cigarettes sont devenus plus abordables.

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Cette composante du tableau de pointage est basée sur le prix d’un paquet de 20 cigarettes de la marque la plus vendue en dollars internationaux, ajusté pour la parité de pouvoir d’achat (PPA).

La baisse du prix des cigarettes rend ces dernières moins coûteuses et plus accessibles aux populations à faibles revenus, notamment aux jeunes. La prévalence du tabagisme chez les filles, auparavant nettement inférieure à celle des garçons en Afrique, est en passe de rattraper et même de dépasser celle des garçons dans certains pays.

L’industrie du tabac veille à maintenir des prix bas en Afrique afin d’étendre son marché dans la région. Elle est en mesure de subventionner les prix des cigarettes dans des pays comme le Tchad, Madagascar, le Mali, le Niger et la Sierra Leone, tout en maintenant des bénéfices mondiaux stables, en augmentant les prix dans d’autres régions où les marchés sont plus avancés, comme le Pacifique occidental et les Amériques.

Ces marchés élargis entraînent une augmentation de la prévalence du tabagisme et des maladies et décès liés au tabac qui en résultent (l’OMS estime qu’ils doubleront en Afrique d’ici à 2030), sans parler du poids économique des dépenses de santé supplémentaires et de la perte de productivité.

Les produits du tabac restent abordables en Afrique

Selon le tableau de pointage, les taxes sur les cigarettes dans la région africaine n’ont pas connu de hausse de plus que le revenu moyen, ce qui signifie que les cigarettes sont devenues plus abordables pour les citoyens.

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Des pays en Afrique disposent également des parts de taxes les plus faibles au monde, soit 40,7 % seulement, ce qui est bien inférieur à la meilleure pratique de référence largement acceptée selon laquelle les droits d’accises sur le tabac représentent au moins 70 % des prix de détail des produits du tabac. Toutefois, la région a également enregistré les gains moyens les plus élevés en matière de part de taxe totale et de part de taxe d’accise entre 2018 et 2020.

Au total, seuls huit pays africains se classent dans la moitié supérieure du tableau de pointage. Parmi ceux-ci, seuls le Botswana (4,13), les Seychelles (4,13), le Liberia (3,13) et Maurice (3,13) se classent parmi les 50 premiers pays.

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Les résultats du tableau de pointage montrent qu’en renforçant la conception des taxes et en augmentant les taux de taxation des cigarettes, les pays africains peuvent réduire le tabagisme et générer des revenus pour faire face aux charges économiques et de santé publique. L’Afrique du Sud était auparavant citée dans le monde entier comme un exemple de taxation du tabac réussie pour la santé publique. En dix ans d’augmentation des taxes sur le tabac, amorcée en 1994, la consommation a chuté de 36 %, sauvant ainsi des milliers de vies et augmentant les recettes fiscales pour les programmes sociaux.Une mise en œuvre efficace est essentielle pour accroître les recettes et améliorer la santé publique.

Le défi actuel réside dans la mise en œuvre effective, car la plupart des gouvernements ne parviennent toujours pas à appliquer des politiques fiscales efficaces, malgré quelques améliorations.

Pour créer un scénario gagnant-gagnant pour la santé publique et une augmentation des revenus pour la relance post Covid-19, les gouvernements africains doivent saisir l’opportunité d’améliorer considérablement leurs politiques de taxation des cigarettes.

Cela permettrait d’améliorer la santé de la population, et les gouvernements pourraient également en tirer des avantages fiscaux importants grâce à l’augmentation des recettes fiscales.

Pour en savoir plus, veuillez lire le rapport complet du tableau de pointage ici

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Erika Siu

Erika Siu est directrice adjointe du projet Think Tanks à l’Institute for Health Research and Policy de l’Université de l’Illinois à Chicago, où ses recherches portent sur la politique fiscale et le développement durable. Elle a récemment occupé le poste de directrice du secrétariat de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises. Avant cela, Erika était chercheuse pour l’ICTD et conseillère en politique fiscale pour le Programme des Nations Unies pour le Développement, Bureau de la coopération Sud-Sud.

Jeffrey Drope

Les recherches du Dr Drope portent sur le lien entre la santé publique (notamment la lutte contre le tabagisme, la consommation nocive d’alcool, la nutrition et l’accès aux soins) et l’élaboration des politiques économiques, en particulier le commerce, les investissements et la fiscalité.