Fayda, le nouveau système éthiopien d’identité numérique, présente un grand potentiel pour les administrations fiscales du pays, qui perdent des sommes importantes en raison de l’évasion et de la fraude fiscales. Mais il ne doit pas être considéré comme une solution miracle aux problèmes du ministère des Recettes et des Douanes et d’autres institutions.
Depuis décembre 2023, l’enregistrement des contribuables en Éthiopie est intégré à Fayda, le système national d’identité numérique du pays.
Fayda (ፋይዳ) est un terme amharique désignant « la valeur » ou « l’importance ». Le programme national d’identification, établi par la loi (Proc. 1284/2023) sous l’égide du bureau du Premier ministre, est chargé de délivrer un numéro Fayda unique à 12 chiffres à tous les résidents éligibles.
Alors que l’économie éthiopienne se développe et change de structure, les administrations fiscales fédérales et régionales perdent des sommes importantes en raison de l’évasion fiscale, de la multiplication des faux reçus et de la fraude.
Comment Fayda pourrait-il relever ces défis et d’autres encore ?
Fayda est au cœur de la transformation numérique de l’Éthiopie
L’Éthiopie s’oriente résolument vers la transformation numérique des services gouvernementaux. La stratégie Digital Ethiopia 2025 envisage d’exploiter le potentiel de la technologie en faveur d’une croissance économique inclusive et d’institutions plus efficaces.
Le système Fayda est au cœur de cette stratégie. Il vise à enregistrer numériquement l’identité de chaque résident éthiopien et à utiliser des informations d’identification plus précises dans les différents systèmes gouvernementaux.
Cinq avantages potentiels se dégagent de l’intégration de Fayda dans les systèmes d’administration fiscale
Une analyse récente réalisée par le programme de recherche DIGITAX de l’ICTD sur l’intégration des systèmes d’identité numérique dans les systèmes d’administration fiscale, en Ouganda et au Ghana, met en lumière des résultats positifs en termes d’élargissement de l’assiette fiscale, de renforcement de l’inclusion, de réduction de la charge de conformité des contribuables et de simplification des processus internes.
L’intégration de Fayda aux systèmes d’administration fiscale éthiopiens pourrait présenter plusieurs avantages.
- Des données fiscales de meilleure qualité
Les registres fiscaux sont souvent inexacts et l’identification des contribuables pose des problèmes. Fayda fournira des informations plus précises et plus détaillées sur l’identité de chaque contribuable grâce à son numéro Fayda unique et vérifié – des informations telles que son nom, ses coordonnées et sa localisation – éliminant ainsi la dépendance à l’égard des déclarations personnelles et minimisant les saisies manuelles.
- Une meilleure expérience pour le contribuable
L’utilisation du numéro Fayda unique pour naviguer dans le système fiscal permettrait de rationaliser le processus d’enregistrement des contribuables et de réduire la charge administrative qui pèse sur eux.
- Un élargissement de l’assiette fiscale
Le système Fayda étant de plus en plus accepté et intégré à divers prestataires de services, les administrations fiscales pourraient s’en servir pour détecter les contribuables non enregistrés. Grâce à la coopération interinstitutionnelle et aux accords de partage de données, elles pourraient facilement suivre les transactions commerciales et les registres de propriété et estimer avec précision l’impôt d’une personne. En ce sens, le numéro Fayda devient l’élément d’information essentiel pour faciliter les recoupements.
- Un renforcement du contrôle et de l’application de la loi
La disponibilité de données numérisées de meilleure qualité (points 1 à 3) pourrait renforcer les fonctions de contrôle et d’application de la législation fiscale. L’identification sans ambiguïté des contribuables grâce à l’intégration de Fayda pourrait aider l’administration fiscale à faire respecter la loi par les fraudeurs.
- Une amélioration de la gouvernance et de la gestion
Des données de qualité supérieure provenant de Fayda pourraient faciliter l’évolution de l’administration fiscale vers un modèle plus centré sur les données, permettant d’améliorer le ciblage des performances, les prévisions et l’analyse statistique.
L’enregistrement des contribuables sur la base de Fayda
Depuis décembre 2023, date à laquelle l’enregistrement fiscal a été intégré à Fayda, chaque nouveau numéro d’identification fiscale (NIF) créé est relié sans ambiguïté à un numéro Fayda. Par conséquent, un numéro Fayda est implicitement devenu une condition préalable à l’obtention d’un NIF.
Pour les NIF déjà présents dans le système fiscal, l’objectif est de les mettre en correspondance avec le numéro Fayda correspondant.
Il est intéressant de noter que le ministère des Recettes et des Douanes utilisait déjà des données biométriques pour l’enregistrement des NIF et que le gouvernement utilise ces NIF pour certains services publics. Les NIF se sont avérés relativement fiables en tant qu’identifiants.
Pourquoi alors un changement de politique ? D’une part, la couverture des NIF étant quelque peu inégale, le gouvernement souhaitait tirer parti de l’expansion rapide de Fayda pour augmenter le nombre d’enregistrements de contribuables. D’autre part, le système d’enregistrement biométrique des NIF était déjà assez coûteux à maintenir et à mettre à jour, et le ministère des Recettes et des Douanes pouvait désormais obtenir des données biométriques à partir du système Fayda, qui est partiellement financé par des bailleurs de fonds externes.
Les défis persistants posés par Fayda
La sensibilisation, l’accessibilité et les contraintes administratives sont des obstacles majeurs au succès de Fayda.
La sensibilisation
Les idées fausses qui circulent sur Fayda et la méfiance à l’égard du système pourraient freiner une adoption plus large. Si moins de personnes s’inscrivent à Fayda, les avantages pour les administrations fiscales fédérales et régionales seront moindres.
Le gouvernement devrait améliorer la compréhension de Fayda chez les contribuables et donner la priorité au respect de la vie privée et à la confidentialité des données, afin de renforcer la confiance dans le système. Des campagnes de sensibilisation intensives et une collaboration entre les différentes parties prenantes pourraient contribuer à atteindre cet objectif.
L’accessibilité
L’inscription à Fayda semble être un processus simple. Cependant, tant qu’il restera inaccessible au niveau le plus bas de l’administration (celui du kebele) dans toutes les régions, des millions de citoyens resteront en dehors du système dans le court terme. À l’instar du problème en matière de sensibilisation, une utilisation partielle pourrait limiter considérablement le potentiel de Fayda à renforcer les administrations fiscales. Le gouvernement pourrait contribuer à promouvoir l’enregistrement sur Fayda jusqu’à la réalisation complète de son objectif, en utilisant les agences bancaires, les postes de police, les écoles, les établissements de santé, les bureaux de la propriété et du cadastre, ou les agences d’enregistrement des événements d’importance vitale. Cependant, des campagnes d’enregistrement massives et décentralisées nécessitent des ressources considérables en termes d’équipement et de personnel.
Les contraintes administratives
Pour le ministère des Recettes et des Douanes, la migration de tous les contribuables précédemment enregistrés vers le système Fayda et la connexion de leurs NIF avec leurs numéros Fayda est une tâche colossale.
En outre, la manière dont les contribuables dormants – souvent présents en grand nombre dans le système d’une administration fiscale – seront traités n’est pas claire. Il serait possible d’accélérer le processus en harmonisant les demandes de services fiscaux. Par exemple, une demande d’apurement fiscal ne pourrait être traitée que si le NIF est associé à un numéro Fayda.
Enfin, l’intégration du système permet encore des doublons car les données biométriques des nouveaux enregistrements basés sur le numéro Fayda ne sont pas vérifiées par rapport aux données biométriques des contribuables existants. Tant que l’harmonisation et la cartographie ne sont pas achevées, cela pourrait créer une faille que des contribuables, volontairement en situation de non-conformité, pourraient exploiter pour s’enregistrer plusieurs fois et échapper à l’impôt.
L’exploitation des données du système Fayda : au-delà de l’enregistrement fiscal
Le système Fayda offre un grand potentiel, mais ne doit pas être considéré comme une solution miracle aux problèmes du ministère des Recettes et des Douanes et d’autres institutions. Son efficacité dépend de l’existence d’autres infrastructures publiques de soutien, de partenariats solides entre les différentes parties prenantes, ainsi que de la sensibilisation et de la confiance des citoyens dans le système.
Par ailleurs, alors que les enregistrements fiscaux basés sur Fayda pourraient stimuler la régularisation, le ministère des Recettes et des Douanes devrait se concentrer sur la manière d’utiliser stratégiquement les nouvelles données d’identification de Fayda pour des fonctions essentielles allant au-delà de l’enregistrement fiscal.
Des réglementations strictes en matière de protection des données devraient également être mises en place, car il serait facile de profiler les contribuables et d’utiliser leurs informations à mauvais escient.